âș ᜠλÏÏÎœÎż n° 158, mars 2021, article dix. Henry dâArles, Pan et Syrinx ? MusĂ©e Longchamp, Marseille, Wikicommons Une Ă©tymologie pour áŒĄ ῊÏÎčÎłÎŸ, la syrinx ? La syrinx ou flĂ»te de Pan, chacun la connaĂźt le mot dĂ©signe un instrument rustique fait dâune sĂ©rie de tuyaux accolĂ©s et dâinĂ©gale longueur. Dans Daphnis et ChloĂ©, lâĂ©crivain grec Longus nous raconte comment le dieu Pan, aprĂšs avoir poursuivi la nymphe Syrinx, crĂ©a cet instrument de musique et lui donna le nom de la nymphe. Vous avez ce texte dans mon Initiation au grec ancien, p. 131. Mais il y a bien des variantes dans les lĂ©gendes de la GrĂšce. Laurent CalviĂ©, spĂ©cialiste des musicographes grecs, me prĂ©cise quâil convient Ă©galement dâindiquer le poĂšte latin Tibulle II, 5, et que le lexicographe Pollux IV, 69, p. 222 Ă©d. Bethe Ă©voque aussi les flĂ»tes de Pan Ă tuyaux inĂ©gaux áœÏÎżÎ»ÎźÎłÎżÎœÎ” Δጰ ᜞Μ áŒÎ»ÎŹÏÎčÎżÎœ áŒÏ᜞ οῊ ÎŒÎ”ÎłÎŻÎżÏ avec une dĂ©croissance du plus grand au plus petitâ. Il me rappelle aussi le poĂšme figurĂ© calligramme de ThĂ©ocrite intitulĂ© Syrinx, qui se compose de vingt vers de longueur dĂ©croissante. Mais, ajoute-t-il, dans les reprĂ©sentations figurĂ©es, ces syrinx Ă tuyaux inĂ©gaux sont plus rares que celles Ă tuyaux Ă©gaux. Ă lâintĂ©rieur des tuyaux de mĂȘme longueur on coulait plus ou moins de cire, afin dâobtenir la hauteur de son souhaitĂ©e. La flĂ»te de Pan peut aussi ĂȘtre dĂ©signĂ©e par le mot ÏηÎșÎŻ, qui habituellement dĂ©signe une harpe et se rattache Ă©tymologiquement au verbe ÏÎźÎłÎœÏ ÎŒÎč assembler, ajuster, construireâ. Cela signifie simplement que lâobjet est un montage, et nâindique rien de sa spĂ©cificitĂ©. Ce verbe peut sâemployer par exemple Ă propos de navires ; ainsi en Iliade, II, 664, nous lisons αጶÏα ÎŽáœČ ΜáżÎ± áŒÏηΟΔ et vite il construisit des naviresâ. Le constructeur de navire est un ÎœÎ±Ï Ïηγ. Le mot ÏηÎșÎŻ a pu ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă la flĂ»te de Pan, créée par une autre façon dâopĂ©rer un ÏÎ·ÎłÎœÏΜαÎč, par un assemblage de tuyaux avec de la cire. Le fait que les tuyaux peuvent ĂȘtre Ă©gaux ou inĂ©gaux est sans incidence sur notre recherche dâune Ă©tymologie. Laurent CalviĂ©, que jâen remercie, mâa Ă©galement communiquĂ© au sujet de la syrinx dâautres prĂ©cisions techniques, avec dâutiles rĂ©fĂ©rences bibliographiques. En voici lâessentiel, auquel jâai ajoutĂ© la traduction des citations grecques Sur la question qui vous intĂ©resse, me dit-il, le locus classicus est un fragment dâun ouvrage anonyme intitulĂ© HagiopolitĂšs dans le Parisinus graecus 360 et Ă©ditĂ© dans Vincent, Notice sur trois manuscrits grecs relatifs Ă la musique, Paris, Imprimerie royale, 1847, p. 262, que je reproduis tel quel ÏÏÎčγγο ΔጎΎη ÎŽÏÎżÎ áœž ÎŒáœČΜ ÎłÎŹÏ áŒÎč ÎŒÎżÎœÎżÎșÎŹÎ»Î±ÎŒÎżÎœ, ᜞ ÎŽáœČ ÏÎżÎ»Ï ÎșÎŹÎ»Î±ÎŒÎżÎœ Il y a deux espĂšces de syrinx, lâune a un seul tuyau, lâautre en a plusieursâ. Cette source tardive est confirmĂ©e par AthĂ©nĂ©e Deipnosophistes, IV, 184a, p. 401, 12-16 Ă©d. Kaibel, qui cite Euphorion 3e-2e s. ÎáœÏÎżÏÎŻÎœ Ύៜ ᜠáŒÏÎżÏÎżÎč᜞ áŒÎœ ÏΔÏ᜶ ÎŒÎ”Î»ÎżÏÎżÎčΜ ᜎΜ ÎŒáœČΜ ÎŒÎżÎœÎżÎșÎŹÎ»Î±ÎŒÎżÎœ ÏÏÏÎčγγα áŒÏÎŒáżÎœ ΔáœÏΔáżÎœ, ⊠ᜎΜ ÎŽáœČ ÏÎżÎ»Ï ÎșÎŹÎ»Î±ÎŒÎżÎœ ÎčληΜΜ, ÎαÏÏαΜ ÎŽáœČ ᜎΜ ÎșηÏÎŽÎ·ÎżÎœ Le poĂšte Ă©pique Euphorion dans son traitĂ© De la mĂ©lopĂ©e quâHermĂšs inventa la syrinx Ă un seul tuyau, âŠ., SilĂšne celle Ă plusieurs tuyaux, et Marsyas le collage Ă la cireâ[1]. » Attachons-nous dâabord Ă ce qui fut notre point de dĂ©part, la syrinx polycalame, et nous nous occuperons ensuite de la monocalame. On trouve en grec bien des mots en -ÎčÎłÎŸ. ⊠aucune autre langue indo-europĂ©enne ne fournit de dĂ©rivĂ©s nominaux prĂ©sentant cette structure. Les mots de ce groupe sont parfois obscurs, ils peuvent ĂȘtre suspects dâĂȘtre des arrangements de mots empruntĂ©s. » P. Chantraine, La formation des noms en grec ancien, p. 398. LâhypothĂšse dâun emprunt mĂ©diterranĂ©en ou oriental semble plausible », dit le mĂȘme auteur dans son Dictionnaire Ă©tymologique de la langue grecque. Et pour Beekes, on sây attend, câest du prĂ©-grec assurĂ©ment. Le suffixe -ÎčÎłÎŸ nâest donc pas indo-europĂ©en et il est certain quâil y a eu emprunt. Mais une langue peut faire usage dâun suffixe empruntĂ©. Nous nous livrons en français Ă bien des crĂ©ations spontanĂ©es avec le suffixe -ing empruntĂ© Ă lâanglais. Le grec a pu crĂ©er des mots en ajoutant le suffixe empruntĂ© -ÎčÎłÎŸ Ă des Ă©lĂ©ments lexicaux de son propre fonds. Explorons cette voie pour ῊÏÎčÎłÎŸ. În joue de cet instrument en le dĂ©plaçant sur les lĂšvres de façon Ă souffler successivement dans les tuyaux Ă©mettant la note voulue. Les gestes sont comme ceux dâun joueur dâharmonica. On tire, avec la main, sur les lĂšvres, lâinstrument vers la droite, vers la gauche⊠On songe alors au verbe ÏÏ tirerâ. Il y aurait eu adjonction du suffixe -ÎčÎłÎŸ à ῥÏ- qui est le thĂšme de ce verbe Ă lâimperfectif et Ă lâaoriste. Ce suffixe se rencontre dans divers termes techniques et en particulier dans le nom de deux autres instruments de musique áŒĄ ΏλÏÎčÎłÎŸ, la trompetteâ et áŒĄ ÏÏÎŒÎčÎłÎŸ, la lyre primitiveâ. On aimerait trouver, pour Ă©tayer cette hypothĂšse, au moins un texte oĂč le verbe ÏÏ dĂ©crirait ce geste de la main dâun joueur de flĂ»te de Pan. Or ce texte, le voici. Dans une Ă©pigramme de lâAnthologie IX, 586, le poĂšte, ComĂ©tas lâArchiviste, conversant avec le dieu Pan, lui dit ΠᜰΜ ÏίλΔ, ÏηÎșίΎα ÎŒÎŻÎŒÎœÎ” ΔοῠáŒÏ᜶ ÏΔίλΔÎč ÏÏΜ Mon cher Pan, continue Ă tirer ta flĂ»te sur tes lĂšvres Dans la traduction de la collection BudĂ©â, ÏÏ est traduit par tirer des sons », alors que de toute Ă©vidence il sâagit dâune flĂ»te de Pan que le dieu lui-mĂȘme dĂ©place sur ses lĂšvres en exerçant sur elle des tractions. Le complĂ©ment dâobjet de ÏÏΜ est ÏηÎșίΎα, accusatif de áŒĄ ÏηÎșÎŻ, terme dont nous avons parlĂ© plus haut, qui ici dĂ©signe la syrinx, et ne saurait signifier des sonsâ. En outre on ne trouve jamais, avec ÏÏ, un complĂ©ment dâobjet dĂ©signant un son. La traduction anglaise de la collection Loeb est Ply the pipe with thy lips », ce qui relĂšve de la mĂȘme incomprĂ©hension. Le verbe ÏÏ est escamotĂ©, et il est tĂ©mĂ©rairement donnĂ© Ă áŒÏÎŻ + datif un sens instrumental. LâĂ©tymologie ici proposĂ©e convient parfaitement Ă la ῊÏÎčÎłÎŸ polycalame, Ă la flĂ»te de Pan, faite dâun assemblage de plusieurs tuyaux. Mais le mot sâest appliquĂ© aussi Ă la monocalame, au pipeau dont le tuyau unique Ă©tait percĂ© de trous latĂ©raux quâon bouchait ou dĂ©bouchait avec les doigts, et qui ne se distinguait de la flĂ»te αáœÎ» que par lâabsence dâanche. Il ne saurait y avoir ici un dĂ©placement de lâinstrument sur les lĂšvres. Il nây a pas ici de ÏÏΔÎčΜ. Le mot ῊÏÎčÎłÎŸ sâest nĂ©anmoins, par gĂ©nĂ©ralisation, appliquĂ© aussi Ă lâautre instrument rustique quâĂ©tait ce pipeau que nous venons de dĂ©crire, avec oubli de lâĂ©tymologie rattachant le mot Ă lâidĂ©e de tirer. Mais selon quel processus sâest opĂ©rĂ©e cette gĂ©nĂ©ralisation ? Une premiĂšre piste sâoffre Ă nous, quâon peut illustrer par lâexemple que voici. Une mise en quarantaine est Ă lâorigine un confinement de quarante jours pour raisons sanitaires. Or on a rĂ©cemment entendu parler de quarantaines de dix jours, etc. Et voilĂ le mot employĂ© pour dĂ©signer lâessentiel tout confinement pour raisons sanitaires, avec effacement de la notion de quarante jours, qui Ă©tait lâorigine Ă©tymologique du mot et faisait de celui-ci un signe motivĂ©. De tels processus sont frĂ©quents dans lâhistoire des mots Nous avons un processus de ce type pour ῊÏÎčÎłÎŸ. LâĂ©tymologie de ce mot apparaĂźt lorsquâil dĂ©signe la flĂ»te rustique dont nous avons parlĂ©, faite dâun assemblage de plusieurs tuyaux, et maniĂ©e selon une certaine gestuelle donnant son nom Ă lâinstrument. Mais ensuite, avec oubli de lâĂ©tymologie et effacement de la rĂ©fĂ©rence Ă ce geste, le mot a dĂ©signĂ© globalement cet ensemble dâinstruments rustiques Ă tuyaux dĂ©pourvus dâanche quâĂ©taient les pipeaux et les flĂ»tes de Pan. Cette gĂ©nĂ©ralisation se comprend bien dans une ambiance de rusticitĂ©. Cette rusticitĂ© de la ῊÏÎčÎłÎŸ apparaĂźt dĂšs les plus anciens textes en Iliade XVIII, 525-526, sont reprĂ©sentĂ©s sur le bouclier dâAchille ÎŽÏ ÎœÎżÎŒáżÎ” ΔÏÏÎŒÎ”ÎœÎżÎč ÏÏÎčÎłÎŸÎč, deux bergers trouvant leur bonheur dans leurs syrinxâ. Dans le PhiloctĂšte de Sophocle, vers 213-214, il est dit que la syrinx est un instrument de ÏÎżÎčÎŒÎźÎœ de berger. Au livre III de la RĂ©publique de Platon, dans le passage oĂč il y a bannissement des instruments de musique, nous lisons quâaprĂšs la grande Ă©limination, λÏÏα⊠Îșα᜶ ÎșÎčΞΏÏα λΔίÏΔαÎč, Îșαᜰ ÏλÎčΜ ÏÏÎźÎčΌα, Îșα᜶ αᜠÎșαៜ áŒÎłÏÎżáœș Îżáż ÎœÎżÎŒÎ”áżŠÎč ῊÏÎčÎłÎŸ áŒÎœ Îč Δጎη » il reste la lyre et la cithare, choses utiles dans la ville, tandis quâaux champs pour les bergers il pourrait bien y avoir quelque syrinxâ 399d. Lâexpression par le potentiel áŒÎœâŠÎ”ጎη et lâindĂ©fini Îč font sentir quâon entend rester dans le vague, et que le mot ῊÏÎčÎłÎŸ ne renvoie pas Ă un objet bien dĂ©fini. On sent un sourire condescendant dans ce Îżáż ÎœÎżÎŒÎ”áżŠÎč ῊÏÎčÎłÎŸ áŒÎœ Îč Δጎη on est áŒÎ”áżÎż urbain, distinguĂ©â, on est bien loin de ce qui est áŒÎłÏÎżáżÎșÎż rural, rustique, rustreâ, et il serait inĂ©lĂ©gant dâavoir lâair de se trop bien connaĂźtre en instruments de musique agreste[2].Ainsi le vocabulaire grec ne sâest pas souciĂ© de distinguer le pipeau de la flĂ»te de Pan, et a fait usage globalement du terme de ῊÏÎčÎłÎŸ, qui Ă©tymologiquement renvoie au plus typique, au plus emblĂ©matique de ces instruments du monde rural la flĂ»te de Pan. Ce mot ῊÏÎčÎłÎŸ, qui nous renvoie Ă des tuyaux de flĂ»te, sâest Ă©tendu Ă divers champs sĂ©mantiques, en dĂ©signant des choses ayant quelque ressemblance avec un tuyau trachĂ©e, bronche, galerie souterraine, couloir⊠Le latin mĂ©dical en a tirĂ© syringa seringueâ ; pour ce dernier mot, on regardera dans ᜠλÏÏÎœÎż n° 149 mars 2018 lâarticle de Christian Boudignon De la syrinx Ă la seringue Cette Ă©volution a un parallĂšle dans lâhistoire de notre mot tuyau il vient dâun terme francique[3] dĂ©signant la corne, le cor. Jean-Victor VERNHES MaĂźtre de confĂ©rences honoraire UniversitĂ© dâAix-Marseille Centre Paul-Albert FĂ©vrier [1] Ces deux tĂ©moignages, Ă©crit L. CalviĂ©, sont mentionnĂ©s dans S. Michaelides, Syrinx », The Music of Ancient Greece. An Encyclopedia, London, Faber & Faber, 1978, p. 314-315. Voir aussi Daniel Paquette, Lâinstrument de musique dans la cĂ©ramique de la GrĂšce antique. Ătudes dâOrganologie, Paris, De Boccard, coll. UniversitĂ© de Lyon II â Publications de la BibliothĂšque Salomon Reinach » [4], 1984, p. 63 Le terme de syrinx sâapplique Ă tout instrument insufflĂ© directement sans le concours dâune anche. Deux modĂšles ont existĂ© la syrinx monocalame qui correspond au pipeau et la syrinx polycalame ou flĂ»te de Pan ». [2] Nous ne sommes pas encore Ă lâĂ©poque oĂč la pastorale sera de mode ThĂ©ocrite, LongusâŠ. [3] Le francique est la langue des anciens Francs. Beaucoup de mots français en proviennent. Connaissance HellĂ©niqueChristian Boudignon est maĂźtre de confĂ©rences de littĂ©rature grecque ancienne Ă l'UniversitĂ© d'Aix-Marseille et chercheur au centre Paul-Albert FĂ©vrier CNRS, TDMAM,UMR 7297, spĂ©cialiste du christianisme grec de l' Posts âș Vous parlez grec et vous ne le saviez pas n°39 CHRONIQUE LINGUISTIQUE SUR LES MOTS GRECS DU FRANĂAIS POPULAIRE ᜠλÏÏÎœÎż n° 149, mars 2018, article sept âTu crois quâils vont nous seringuer Ă vue ?â Haut-relief du dieu Pan dit satyre della Valle», Ă©poque hellĂ©nistique. ClichĂ© Jastrow wikicommons Quand jâĂ©tais petit, lâĂ©tĂ© Ă la campagne, un de nos jeux les plus rĂ©ussis consistait Ă remplir dâeau de grosses seringues et Ă nous poursuivre dans les rues pentues du village de Salettes Haute-Loire pour nous arroser mutuellement. DâoĂč venaient et Ă quoi servaient ces grosses seringues, Ă quels grabataires ou autres vieillards cacochymes, Ă moins que ce ne fĂ»t pour je ne sais quel cheval ou cochon, voilĂ des questions que je ne me souviens pas mâĂȘtre posĂ©es. âCelui qui ma syrinx avant-hier mâa volĂ©eâ Je ne me posais pas non plus dâailleurs des questions dâĂ©tymologie. Pourtant, une fois nâest pas coutume, lâĂ©tymologie de seringue ne manque pas de poĂ©sie. Le mot est grec. Il vient de la ῊÏÎčÎłÎŸ [syrinx], cette flĂ»te de Pan par laquelle les bergers charmaient les bergĂšres grecques. Jâaime beaucoup la joute poĂ©tique que se livrent le chevrier Comatas et le berger Lacon, telle que nous lâinvente ThĂ©ocrite en dialecte dorien de Sicile Idylles 5,5 ÎÎżÎŒÎŹÎ± Î±áŒ¶ÎłÎ” áŒÎŒÎ±ÎŻ, áżÎœÎżÎœ ᜞Μ ÏÎżÎčÎŒÎΜα ΜΎΔ ÎčÎČÏ ÏÎŻÎ±Îœ ÏΔÏγΔΔ ᜞Μ ÎÎŹÎșΜα ÎŒÎ”Ï ÎœÎŹÎșÎż áŒÏΞáœČ áŒÎșλΔÏΔΜ. ÎÎŹÎșΜ ÎżáœÎș áŒÏ᜞ ៶ ÎșÏÎŹÎœÎ±; ÎŻáŸœ áŒÎŒÎœÎŻÎŽÎ”. ÎżáœÎș áŒÎżÏáżÎ” Μ ÎŒÎ”Ï áœ°Îœ ÏÏÎčγγα ÏÏαΜ ÎșλÎÏαΜα ÎÎżÎŒÎŹÎ±Îœ; ÎÎżÎŒÎŹÎ± ᜰΜ ÏÎżÎŻÎ±Îœ ÏÏÎčγγα; áœș ÎłÎŹÏ ÏÎżÎșα ΎλΔ ÎčÎČÏÏα áŒÎșΏα ÏÏÎčγγα; ÎŻ Ύៜ ÎżáœÎșÎÎč áœșΜ ÎÎżÏÏΎΜÎč áŒÏÎșΔῠοÎč ÎșÎ±Î»ÎŹÎŒÎ± αáœÎ»áœžÎœ ÏÎżÏÏÏΎΔΜ áŒÏÎżÎœÎč; Comatas Mes chĂšvres, cet homme, ce berger-lĂ , le Sybarite, fuyez-le, le Laconien hier, il mâa volĂ© ma peau de chĂšvre. Lacon Allons, loin de la fontaine ! Ici, agnelles ! Ne voyez-vous pas celui qui ma syrinx avant-hier mâa volĂ©e, Comatas ? Comatas Quelle syrinx ? Toi, esclave de Sibyrtas, tu as achetĂ© un jour une syrinx ? Pourquoi ne te suffit-il plus avec Corydon dâavoir un pipeau de paille pour souffler dedans ? » On croirait entendre deux enfants dans une cour de rĂ©crĂ©ation. Telle est la vie rĂȘvĂ©e des bergers, paradis inventĂ© par un Grec en exil en Egypte, loin des problĂšmes dâalors et des problĂšmes dâaujourdâhui de lâhĂ©ritage de Johnny Hallyday, de la rĂ©forme du baccalaurĂ©at, des trafics de drogue ou du dernier assassinat Ă Marseille. Le mot syrinx ne dĂ©signe pas seulement en grec la flĂ»te de Pan, mais toute tubulure qui y ressemble. A la fin de lâAjax v. 1411-1413 de Sophocle, ce sont les veines du dĂ©funt qui crachent du sang noir⊠áŒÎč Îłáœ°Ï ÎžÎ”ÏΌα᜶ ÏÏÎčγγΔ áŒÎœ ÏÏ Îč ÎŒÎλαΜ ÎŒÎÎœÎż car les veines encore chaudes crachent leur force noire ». Jâimagine trĂšs bien le cadrage dâun Quentin Tarantino sur le sang qui gicle du malheureux cadavre Ă mĂȘme le sol. Qui croit encore quâon ne montrait pas de sang sur scĂšne dans lâAntiquitĂ© ? âSaignĂ©es, potions, onguents, injectionsâŠâ En latin, le mot syrinx accusatif syringa, gĂ©nitif syringis est empruntĂ© au grec au sens de flĂ»te de Pan ». La premiĂšre syllabe Ă©tait prononcĂ©e par les gens cultivĂ©s [su], mais par le peuple [si]. Chose remarquable, on voit apparaĂźtre un doublet syringa au sens de seringue » ou dâ injection, lavement, clystĂšre » chez un Ă©crivain latin de la fin du IVe siĂšcle ap. VĂ©gĂšce, dans un ouvrage vĂ©tĂ©rinaire sur le traitement des chevaux appelĂ© Mulomedicina 1, 28, 7 oĂč il est question des saignĂ©es, potions, onguents, injections siringae et diffĂ©rentes espĂšces de mĂ©dicaments ». Le sens dâ injections » ne se comprend que si lâon avait dĂ©jĂ inventĂ© des seringues » pour faire lâinjection. On a de fait dans la liste de notre texte un emploi mĂ©tonymique de seringa qui dĂ©signe par lâinstrument lâaction de lâinstrument. A partir de lâaccusatif grec syringa, interprĂ©tĂ© sans doute comme syringam oĂč lâon nâaurait pas entendu le m final, a dĂ» se crĂ©er de façon populaire le mot syringa gĂ©nitif syringae prononcĂ© en fait [sirĂnga] avec un i et un dĂ©placement de lâaccent sur la deuxiĂšme syllabe, selon la logique latine. Ah, la poĂ©sie des armes ! Le mot avec son sens passe sans difficultĂ© en français on le trouve au XIIIe siĂšcle sous la double forme siringe ou ceringue. On nâa pas de difficultĂ© Ă expliquer la chute habituelle du a final transformĂ© en e muet ni lâouverture frĂ©quente mais nullement obligatoire du i initial en e. Il suffit de donner lâexemple de primarius devenu en français premier. Peut-ĂȘtre le r a-t-il jouĂ© un rĂŽle ouvrant ? Plus amusante est lâĂ©volution du sens puisque le mot dĂ©signe assez vite, en plus de son emploi mĂ©dical, un mousquet » au XVIIe siĂšcle, un fusil » au XIXe siĂšcle, et au XXe siĂšcle, dans lâargot, un pistolet » ou une mitraillette ». Ah, la poĂ©sie des armes ! Je ne rĂ©siste pas pour finir Ă vous livrer ce petit dialogue savoureux dâun roman policier de San Antonio des annĂ©es 1960 je laisse le lecteur en retrouver le titre oĂč le mot seringue a donnĂ© le verbe seringuer tirer Ă la mitraillette » Tu vois, soupire mon Courageux. Ăa fait plusieurs jours que lâon est enfermĂ© ici et jâai pas seulement envoyĂ© une carte postale Ă Berthe. âEn fait de carte, câest un faire-part quâelle recevra, prophĂ©tisĂ©-je âCe quâil y a de c⊠câest que nos pĂ©toires sont restĂ©es en bas. On nâaura pas mĂȘme la satisfaction dâen dĂ©molir quelques-uns. Tu crois quâils vont nous seringuer Ă vue ? âOn peut sây attendre. âMourir en chaussettes, câest pas prestigieux, hein, mec ? âĂa pourrait ĂȘtre pire. âPar exemple ? âSi tu clamçais en calcif. » Mais, trĂȘve de plaisanterie, jâarrĂȘte de vous seringuer avec mes histoires, vous avez sans doute mieux Ă faire⊠Christian Boudignon MaĂźtre de confĂ©rences des langue et littĂ©rature grecques Ă lâUniversitĂ© dâAix-Marseille. Connaissance HellĂ©niqueChristian Boudignon est maĂźtre de confĂ©rences de littĂ©rature grecque ancienne Ă l'UniversitĂ© d'Aix-Marseille et chercheur au centre Paul-Albert FĂ©vrier CNRS, TDMAM,UMR 7297, spĂ©cialiste du christianisme grec de l' Posts â¶ Mythologie et peinture ᜠλÏÏÎœÎż n° 140, mars 2015, article premierâââ Voir la mythologie grecque avec les yeux dâHenry dâArles Le peintre français Henry dâArles 1734-1784, nĂ© Jean Henry, Ă Arles, et mort Ă Marseille, est un Ă©lĂšve de Joseph Vernet. On trouve au musĂ©e des beaux-arts de Marseille au palais Longchamp deux Ćuvres splendides de ce peintre, dans un format relativement petit 39cm x 50 cm. Henry dâArles, LĂ©da et le Cygne Wikicommons LĂ©da et le cygne seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, peinture Ă lâhuile. Henry dâArles, Pan et Syrinx Wikicommons Pan et Syrinx seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, peinture Ă lâhuile. Les mythes des amours de Zeus et de LĂ©da, et de Pan et de Syrinx Commençons par raconter les mythes qui ont fait lâobjet de ces deux peintures. Dans le premier tableau, LĂ©da, fille de Thestios, roi dâĂtolie, est lâĂ©pouse de Tyndare, roi de LacĂ©dĂ©mone, qui oublie de sacrifier Ă Aphrodite. Pour le punir, elle attire Zeus sur LĂ©da. MĂ©tamorphosĂ©e en aigle, Aphrodite poursuit Zeus, mĂ©tamorphosĂ© en cygne ; celui-ci feint lâaffolement et se rĂ©fugie dans le sein de la reine. Ovide, Les MĂ©tamorphoses, VI, vers 109. elle [ArachnĂ©, qui reprĂ©sente sur son ouvrage Ă tisser les dieux dĂ©guisĂ©s pour satisfaire leurs amours coupables] reprĂ©sente LĂ©da couchĂ©e sous les ailes dâun cygne ». Dans le second tableau, Syrinx, Hamadryade nymphe des arbres dâArcadie, est poursuivie par Pan, fils dâHermĂšs, dieu des bergers et des troupeaux, reprĂ©sentĂ© avec un corps Ă la fois humain et animal celui dâun bouc, avec deux cornes sur le front, une queue, des jambes velues et des pieds pourvus dâun sabot fendu. Au moment oĂč il veut lâattraper, elle se mĂ©tamorphose en roseau, sur les bords du fleuve Ladon. Le souffle du vent fait gĂ©mir les roseaux et Pan a alors lâidĂ©e dâunir avec de la cire des roseaux de longueur inĂ©gale. Il fabrique ainsi un instrument de musique, quâil nomme syrinx flĂ»te de Pan, en souvenir de la nymphe. Ovide, Les MĂ©tamorphoses, I, vers 702-713. [âŠ] la nymphe sâenfuit Ă travers champs jusquâĂ ce quâelle arrivĂąt aux eaux paisibles du Ladon sablonneux ; lĂ , arrĂȘtĂ©e dans sa course par les ondes, elle avait suppliĂ© ses fluides sĆurs de la mĂ©tamorphoser ; Ă lâinstant oĂč Pan croyait dĂ©jĂ saisir Syrinx, au lieu du corps de la nymphe, il nâavait tenu dans ses bras que des roseaux de marais ; tandis quâil exhalait ses soupirs, lâair agitĂ© Ă travers leurs chalumeaux avait produit un son lĂ©ger, semblable Ă une plainte ; le dieu, charmĂ© par cette dĂ©couverte et par ces sons mĂ©lodieux, sâĂ©tait Ă©criĂ© VoilĂ qui me permettra de mâentretenir avec toi Ă tout jamais. » Et câest ainsi quâen rapprochant des roseaux de longueur inĂ©gale, joints avec de la cire, il avait conservĂ© le nom de la nymphe. » Description des deux tableaux Les deux tableaux constituent manifestement un diptyque, ils se complĂštent. On observe une continuitĂ© dans les Ă©lĂ©ments du dĂ©cor, mĂȘme dans les dĂ©tails les joncs, au premier plan, le vol des oiseaux, Ă lâarriĂšre-plan. Les lignes qui structurent les deux scĂšnes participent du mĂȘme quadrillage un encadrement vertical avec, Ă gauche, un bloc rocheux menaçant, Ă droite, une chute dâeau puissante, une ligne horizontale continue, rythmĂ©e par une sĂ©quence de poursuite et de fuite, de gauche Ă droite, entre le cygne et un personnage fĂ©minin, mais aussi de droite Ă gauche, entre Pan et Syrinx. Ce dĂ©coupage Ă angles droits est doublĂ© dâune bipartition entre lâarriĂšre-plan, le dĂ©cor, et le premier plan, lâhistoire, la narration. Bien que le premier tableau soit intitulĂ© LĂ©da et le cygne », trois figures fĂ©minines sont reprĂ©sentĂ©es. Dans la plupart des peintures qui reprennent le motif de lâaccouplement entre Zeus et LĂ©da LĂ©onard de Vinci, Michel-Ange, avec Jupiter et LĂ©da, en 1530, ou encore CorrĂšge, en 1532], soit LĂ©da est seule avec le cygne, qui sâaccouple avec elle, de façon plus ou moins suggestive [Voir Pierre Paul Rubens, LĂ©da et le cygne 1601, huile sur bois, Houston, The Museum of Fine Arts, collection Stephen Mazoh], soit LĂ©da est accompagnĂ©e dâautres femmes, qui se tiennent un peu Ă lâĂ©cart, ce qui se vĂ©rifie Ă©galement pour le mythe de Pan et Syrinx. [Voir Jean-François de Troy, Pan et Syrinx 1722-1724, huile sur toile, Los Angeles, The Getty Center]. Mais ici la variation dans la posture des personnages fĂ©minins, vus de face, de dos ou de profil, laisse peut-ĂȘtre penser quâil sâagit de phases diffĂ©rentes de LĂ©da elle-mĂȘme et quâelles correspondent Ă la chronologie narrative du mythe, de la supercherie de Zeus, dĂ©guisĂ© en cygne, Ă la conscience du viol, lorsque LĂ©da est Ă©chevelĂ©e, la derniĂšre figure, de dos, cachant un peu sa temporalitĂ©, dans la mesure oĂč on ne sait si elle correspond Ă la genĂšse du mythe, avec lâapproche du cygne, ou sa fin, avec la dĂ©ception qui suit lâagression. Dans le second tableau, le rĂ©cit est simplifiĂ© et son ordre chronologique, au lieu dâĂȘtre dĂ©ployĂ© aux deux extrĂ©mitĂ©s du tableau, est concentrĂ© sur un espace bien circonscrit, proche de lâextrĂ©mitĂ© gauche du tableau, câest-Ă -dire de sa sortie, si on privilĂ©gie la lecture de droite vers la gauche, en prenant pour marqueurs et rĂ©fĂ©rents, les Ă©lĂ©ments les plus imposants du tableau, le bloc de pierre et la cascade, et la direction quâils dĂ©terminent. Câest la ligne verticale des roseaux que Pan tient en main qui sert de frontiĂšre temporelle pour raconter comment Pan poursuit Syrinx et comment Syrinx lui Ă©chappe, transformĂ©e en roseau. En rĂ©alitĂ©, le roseau est tout ce qui reste Ă Pan de Syrinx, Ă la fois au propre, parce quâelle se mĂ©tamorphose en roseau et au figurĂ©, parce quâil donne au roseau le nom propre de Syrinx. Syrinx, de lâautre cĂŽtĂ© du roseau, peut disparaĂźtre, ce quâelle commence Ă faire, en sâenfonçant dans lâeau. InterprĂ©tation Une nature sublime La petitesse des personnages perdus dans lâimmensitĂ© du dĂ©cor confĂšre aux deux scĂšnes un caractĂšre Ă la fois intime et externe notre voyeurisme, notre observation scrupuleuse des figures sont volontairement repoussĂ©s vers les franges et le cadre du tableau, soit un ensemble plus vaste et plus vide aussi. La nature est sublime, parce quâil sâagit dâune Arcadie et dâune Ătolie Ă©dĂ©niques mais aussi parce quâelle est violente, Ă la fois Ă©crasante, Ă lâimage du rocher escarpĂ© qui menace de tomber, et obscure, Ă lâimage des grottes marines, peintes presque noires, ou des arbres, au feuillage dense. Câest, malgrĂ© le calme apparent des aplats et des lignes horizontales, une nature sauvage, non domestiquĂ©e, symbolisĂ©e Ă la fois par le cygne et par Pan. Un dĂ©sir primitif Pan est comme mu vers Syrinx par le flux impĂ©tueux de la chute dâeau dont il est la continuitĂ©, Ă la fois par son mouvement et par un rapport dâidentitĂ© entre le jaillissement de lâeau et la source du dĂ©sir amoureux. Platon, dans le PhĂšdre, dĂ©crit bien lâattirance physique par des mĂ©taphores liquides, avant de reconnaĂźtre que la beautĂ© dont on est Ă©pris doit nous conduire Ă la contemplation de formes moins contingentes et Ă lâidĂ©e du beau en soi. Platon, PhĂšdre, 251b-251c Or, en lâapercevant [lâĂ©romĂšne, lâĂȘtre aimĂ©], il [lâĂ©raste, lâamoureux] frissonne, et ce frisson, comme il est naturel, produit en lui une rĂ©action il se couvre de sueur, car il Ă©prouve une chaleur inaccoutumĂ©e. En effet, lorsque, par les yeux, il a reçu les effluves de la beautĂ©, alors il sâĂ©chauffe et son plumage sâen trouve vivifiĂ© ; et cet Ă©chauffement fait fondre la matiĂšre dure qui, depuis longtemps, bouchait lâorifice dâoĂč sortent les ailes, les empĂȘchant de pousser. Par ailleurs, lâafflux dâaliment a fait, Ă partir de la racine, gonfler et jaillir la tige des plumes sous toute la surface de lâĂąme. En effet, lâĂąme Ă©tait jadis tout emplumĂ©e ; la voilĂ donc, Ă prĂ©sent, qui tout entiĂšre bouillonne, qui se soulĂšve et qui Ă©prouve le genre de douleurs que ressentent les enfants qui ont leurs dents. Les dents qui percent provoquent une dĂ©mangeaison, une irritation des gencives, et câest bien le genre de douleurs que ressent lâĂąme de celui dont les ailes commencent Ă pousser ; elle est en Ă©bullition, elle est irritĂ©e, chatouillĂ©e pendant quâelle fait ses ailes ». Platon, PhĂšdre, 255b-255d. Quand lâamoureux persĂ©vĂšre dans cette conduite et quâil approche le bien-aimĂ©, en y ajoutant le contact physique que favorisent les gymnases et les autres lieux de rĂ©union, le flot jaillissant dont jâai parlĂ©, et que Zeus appela dĂ©sir », quand il aimait GanymĂšde, se porte en abondance vers lâamoureux ; une part pĂ©nĂštre en lui et, lorsquâil est rempli, le reste coule au-dehors. Et, de mĂȘme quâun souffle ou quâun son, renvoyĂ©s par des objets lisses et solides, reviennent Ă leur point de dĂ©part, ainsi le flot de la beautĂ© revient vers le beau garçon en passant par ses yeux, lieu de passage naturel vers lâĂąme. Il y parvient, la remplit, et dĂ©gage les passages par oĂč jaillissent les ailes, quâil fait pousser ; et, câest au tour de lâĂąme du bien-aimĂ© dâĂȘtre remplie dâamour. » Ce bouillonnement, cette pulsion de vie, câest, chez Platon et chez Freud, grand lecteur et rĂ©cupĂ©rateur de Platon, ce qui justifie lâinstinct dâagression. Lâimage est dupliquĂ©e, dans le premier tableau, avec le remous et lâĂ©cume provoquĂ©s par le cygne qui sâĂ©lance. Les formes phalliques et Ă©rectiles du roseau brandi par Pan, adepte Ă©galement de la masturbation dont on dit quâil lâa apprise aux chevriers, et du long col de lâoiseau se correspondent. La nuditĂ© des corps fĂ©minins et leur double mĂ©taphorique, les antres qui sont comme des matrices, renforcent la lecture libidinale de la peinture. Comme la nature est ambivalente, le dĂ©sir masculin lâest aussi suave, comme le tĂȘte-Ă -tĂȘte de LĂ©da et du cygne, ou brutal, comme la marche frĂ©nĂ©tique de Pan. La rĂ©solution du dĂ©sir satisfait ou contrariĂ© rĂ©side peut-ĂȘtre dans le point de jonction entre les deux tableaux, centre invisible, Ă imaginer, Ă relayer par notre connaissance du mythe, et que lâauteur ne livre pas tout Ă fait la procrĂ©ation, avec la ponte, pour LĂ©da, de deux Ćufs qui, Ă lâĂ©closion, rĂ©vĂšleront HĂ©lĂšne et Clytemnestre et les Dioscures, littĂ©ralement les rejetons de Zeus » et la crĂ©ation artistique, musicale, pour Pan, avec la compensation dâentendre pour lâĂ©ternitĂ©, le souffle de Syrinx. Le mystĂšre de la crĂ©ation Or, il ne faudrait peut-ĂȘtre pas nĂ©gliger, dans le tableau, la lumiĂšre, certes diffuse, qui provient de plus haut. La maigre lueur des deux scĂšnes blanchit la chair des corps fĂ©minins et la spiritualise en quelque sorte. Lâimage invisible qui aurait dĂ» apparaĂźtre au centre du tableau, câest celle du quadruple enfantement de LĂ©da, dâailleurs reprĂ©sentĂ©e trois fois, et celle de la virginitĂ© de Syrinx, que Pan, selon une lĂ©gende, avait mise Ă lâĂ©preuve, en lâenfermant dans une grotte, pour mettre Ă lâĂ©preuve sa chastetĂ©. Cette combinaison contradictoire entre lâun et le multiple, entre la virginitĂ© et la maternitĂ©, entre la sexualitĂ© dĂ©bridĂ©e et la spiritualitĂ© quasi religieuse tĂ©moigne peut-ĂȘtre de lâintĂ©rĂȘt du peintre pour toutes les crĂ©ations la crĂ©ation humaine, la crĂ©ation divine qui lâenglobe et dont le pendant paĂŻen est le panthĂ©isme de Pan, qui lui a donnĂ© son Ă©tymologie, Pan » signifiant Tout », en grec. La derniĂšre interrogation de lâartiste romantique, au milieu des thĂšmes consacrĂ©s de la dualitĂ© de lâĂȘtre, de lâinfini de lâunivers et de lâamour, serait celle de sa propre crĂ©ation et de sa propre capacitĂ© Ă imiter ou Ă dĂ©passer la nature. Les personnages ont des poses outrĂ©es, empruntĂ©es, avec les bras levĂ©s ou lâindex pointĂ©, Ă un théùtre didactique, vaudeville ou piĂšce tragique. Ils reprĂ©sentent cet artifice que les couleurs du peintre, ocres et vertes, tentent dâincorporer plus naturellement dans le paysage, lui-mĂȘme Ă la fois statique et mis en mouvement. Ils reprĂ©sentent la puissance et les limites de lâexpression picturale et les efforts que fait lâartiste pour donner vie Ă son travail. StĂ©phanie PETRONE, professeure de lettres en classes prĂ©paratoires au lycĂ©e Thiers, Marseille. Connaissance HellĂ©niqueChristian Boudignon est maĂźtre de confĂ©rences de littĂ©rature grecque ancienne Ă l'UniversitĂ© d'Aix-Marseille et chercheur au centre Paul-Albert FĂ©vrier CNRS, TDMAM,UMR 7297, spĂ©cialiste du christianisme grec de l' Posts La GrĂšce, d'HomĂšre Ă Markaris
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